Les gens du voyage
A Calais, on trouve 3 sortes de Tsiganes : les Gitans (ou Kalés), les Manouches et les Roms. Ils ont chacun leur langage et croient en un Dieu créateur, mais ils adoptent en partie la religion des pays dans lesquels ils séjournent. Ce sont de très grands musiciens et danseurs pour qui la cellule familiale est fondamentale, avec un chef à leur tête.
A Calais, un terrain leur est prêté et ils peuvent y séjourner. Cependant, de multiples préjugés et le fait qu’ ils vivent dans une communauté nomade très fermée ne favorisent pas les contacts avec le reste de la population. Leur réputation s’ en trouve alors très entachée.
Comment les définir ?
Par leur nom
Manouches : autre nom donné aux Tsiganes. Appellation employée en Belgique, en Italie et dans le Nord de la France, manouche serait la définition du peuple des Hommes, du Tsigane Manus et de la même origine que le mot allemand Mensch.
Rabouins : terme surtout employé en Savoie et en Anjou. Le Mistral l’a poussé vers le Rhône, le transformant en Romanichel, plutôt péjoratif.
Sinti : nom donné aux Tsiganes, Manouches d’ Italie, du Piémont.
Canaques : terme employé surtout en Provence. Peut-être synonyme du “ Piche”, celui qui en fait trop.
Toutefois, c’est le terme de Tsigane qui les a longtemps désignés dans leur ensemble. Au sein de cette entité, on distingue 3 grands groupes :
- les Gitans. Ils sont les plus faciles à délimiter géographiquement. Ils vivent au Sud, en Espagne, au Portugal et dans le Midi de la France. Mais leur origine, plus lointaine serait l’ Inde.
Souvent, on les caractérise par ces quelques mots: guitare, soleil, flamenco.
- les Manouches. Ce terme comme celui de Rom signifierait Homme, dans une langue d’ origine indienne et renverrait au forain français, allemand ou italien. Il désigne celui que l’ on rencontre sur la route ou dans les cirques.
Les Manouches sont souvent assimilés aux Gitans, et parfois aussi appelés Sinti.
- les Roms. Ce groupe désigne les Tsiganes vivant en Hongrie, Roumanie et Europe de l’ Est.
Les Gitans ne sont qu’ un petit ensemble parmi un ensemble plus vaste, des groupes de familles au sein d’ une famille plus étendue. C’est un phénomène qu’on ne peut isoler du contexte général des Tsiganes.
Leur religion
Pendant longtemps, on a cru que les Tsiganes n’ avaient pas de religion. Ils ont cependant un esprit religieux qui s’ adapte aux croyances des pays dans lesquels ils vivent. Ils sont musulmans, orthodoxes, catholiques ou protestants. Certains pèlerinages comme celui de Sainte Marie de la Mer sont très importants.
Leur nombre
Les Tsiganes sont un peuple difficilement saisissable, qui ne se raconte pas. Leur nombre est approximatif : il y aurait 7 à 8 millions de Tsiganes en Europe, dont 180 000 à 300 000 Gitans en France, environ 30 000 en Pologne et entre 250 000 et 450 000 en Espagne.
Leur mode de vie
C’ est un peuple communautaire nomade très uni et fermé, composé de familles très nombreuses. Les gens qui n’ appartiennent pas à ce groupe sont appelés : Gadjés. Et les contacts entre ces deux catégories de personnes sont très mal perçus. Les mariages sont généralement arrangés et permettent de créer des alliances entre familles ou clans. Souvent, la famille du fiancé verse de l’argent à la famille de la fiancée pour l’indemniser de cette perte et garantir qu’elle sera bien traitée. Pour les tsiganes, la seule référence, le point de stabilité, c’est l’intérieur de la caravane, le lieu où se réunit la famille. Mais le nid s’étend à l’extérieur, dans tout le campement, où diverses familles peuvent s’assembler en communautés provisoirement élargies. Le clan s’organise autour d’un personnage qui peut être féminin, telle “la vieille sage “qui fume la pipe. Aujourd’hui, pour ceux qui continuent à pratiquer le nomadisme, le rôle du chef est essentiellement de décider des itinéraires, des lieux de campement. C’est lui qui parlera au nom de tous avec les autorités. On est un peu loin de l’image qui évoquait autrefois les tsiganes: “ la roulotte, la guitare, les feux, les robes bariolées... “ Eux aussi évoluent et profitent des avancées technologiques, même si c’est encore autour de la famille et du voyage qu’ils se structurent.
Leurs origines
Tsiganes et Indiens: La ressemblance physique entre Tsiganes et Indiens est frappante : - dolichocéphalie, nez droit et aquilin, visage étroit, chevelure noire aux reflets bleutés, yeux de couleur foncée, similitudes des groupes sanguins.
Durant des siècles, les Tsiganes se sont proclamés égyptiens, c’est à dire d’un Orient indéfini. Mais par leurs origines indiennes, ils sont presque l’incarnation du voyage et de nos langues européennes.
Quelques mots d’argot français d’origine tsigane: le trac pour la peur, chouraver pour voler, costaud pour fort, rupin pour riche, surin pour couteau.
Leurs langues sont le Romani, le Sinto, le Kalo et ont des similitudes avec le Sanskrit ou certains parlers actuels de l’Inde.
Les Gitans d’Espagne: Le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle fut souvent la raison donnée par les Gitans pour expliquer leur arrivée en Espagne au XV° siècle. Mieux intégrés en Espagne que dans le reste de l’Europe, ils connaîtront aussi des périodes difficiles de rejet.Le Gitan véhicule toujours une idée négative, celle du nomade, insaisissable, sans racines, libre de tout et de tout faire.
II Le voyage des voyageurs
La musique
Il existe un argument autre que linguistique ou physique en faveur de l’origine indienne du peuple tsigane: la musique. Certains nomades danseurs, musiciens ou animateurs de fêtes ont des ancêtres qui auraient pu quitter les terres de l’Inde, il y a plusieurs siècles. Ces longs voyages pacifiques d’est en ouest suivent symboliquement le trajet du soleil. L’ histoire de ces nomades indiens est étroitement liée à l’évolution des instruments à cordes des Indes d’antan à la guitare d’aujourd’hui. De ces voyages il restera aussi des fondements musicaux communs avec le Cante Jondo, chant flamenco espagnol, dans lequel se succèdent des mouvements lents , arythmiques et des moments plus rythmés et dansants.
Le Flamenco est tout un rituel: un guitariste, un chanteur. Tous deux se regardent, s’épient, puis la guitare raisonne, autour on frappe des mains, à la recherche complexe d’un rythme, du dende, sorte d’état de grâce. Et puis tout se délivre, un son rauque venu d’ailleurs, de la gorge ou de la terre. Parfois une femme, belle, brune, parfait portrait de la gitane, surgira, dansera, les mains légères en mouvement, les talons frappant le parquet. Les castagnettes ne sont pas toujours présentes. Rythmes rapides, quelques strophes chantées, les coflas, ponctuées du “Olé” de délivrance comme en corrida. Les mots parleront de l’amour, de la mort, de la haine, de la mère, de la misère, de la lune ou du soleil, en somme des composants les plus élémentaires de la vie.
“Dans la forge des Gitans
A grands cris se lamentaient
Et la brise veille, veille,
la brise fait la veillée.”
L'esprit flamenco demeure l’apanage des Gitans. Cet art contribue à exprimer une manière d’exister qui leur est propre
Les métiers
On a souvent désigné les Gitans d’Europe de l’Est de “Kalderasha” ou chaudronniers, de “Bohgas” ou montreurs d’ours, de”Laoutari” ou musiciens danseurs. Même s’il ne faut pas toujours prendre à la lettre ces dénominations, elles désignent bien trois catégories socioprofessionnelles.
- Le petit artisanat : la chaudronnerie, le travail du cuivre, de l’étain, la fabrication de paniers, le rempaillage, le travail de l’osier. Il s’agit d’un travail manuel sur une matière première accessible et que l’on peut exercer en se déplaçant. Ils sont aussi colporteurs, marchands ambulants ou se font passer pour guérisseurs ou diseuses de bonne aventure.
- L’art du cirque : Le montreur d’ours avec son tambourin, le patron de ménagerie qui présente des animaux exotiques, voilà l’image des voyageurs des plus traditionnelle. L’ours fait écho aux Carpates des tsiganes, le lion à l’Orient magique, les éléphants à l’Inde des origines. Toutefois, à quelques exceptions près, aucune des grandes familles du cirque n’est gitane.On n’en distingue que quelques unes parmi les Manouches et Sinti piémontais.
- L’art du spectacle, de la musique : L’image de Carmen, le thème de l’enlèvement, sont toujours présents: un cirque passe, une Bohémienne vous lance une fleur, et vous voilà partis dans l’extraordinaire. Avec les Gitans, on ne signe que très rarement de contrat, que ce soit pour les affaires ou pour les activités artistiques. Si vous engagez pour une fête ou un spectacle un groupe de chanteurs flamenco rien ne sera fait par écrit, mais ayez confiance, à l’heure dite ils seront là avec leur guitare et leurs costumes.
III Le droit à la différence
Les tsiganes ont toujours posé des problèmes aux sociétés sédentaires au sein desquelles ils vivent. Autour du nom tsigane on a construit toutes sortes de légendes dans lesquelles ils sont tour à tour voleurs d’enfants, pillards ou se livrent à la sorcellerie. On les a donc considérés longtemps comme asociaux.
Les états ont essayé en vain de les sédentariser. La France leur impose d’ avoir une commune de rattachement ( toute ville de plus de 5000 habitants met à leur disposition une aire de stationnement) et le port de titres de circulation à faire viser auprès des autorités. Ils ont tenté également de créer des classes exclusivement réservées aux nomades dans certaines écoles, mais l’expérience fut abandonnée. Les enfants n’étaient pas prédisposés, par l’éducation reçue dans leur milieu, à se conformer aux cadences de travail, aux horaires et la fixité imposés par l’école. De plus, ils n’étaient pas habitués aux structures d’autorité que véhiculent l’instituteur ou l’institutrice. Par les hasards des voyages, ils changent assez souvent d’école ou même s’ils y restent plus longtemps les enfants tsiganes se sentent et se veulent différents. On a pu constater que 90% des enfants tsiganes vont à l’école maternelle et l’école primaire au moins jusque l’âge de dix ans , mais seuls 60% d’entre eux continuent jusque douze, treize ans. Ils ne sont que 4% à suivre une formation professionnelle. Ces relatifs efforts de scolarisation contribuent à fixer ces populations, mais, mêmes sédentarisées, elles ne rêvent que de repartir. Depuis le début du siècle, les tsiganes se sont regroupés en organisations, dont certaines les ont aidés à se faire connaître.Par exemple, en 1967: le “Comité International Tsigane”, devenu en 1971 le “Comité International Rom”. Il semblerait qu’à la fois, ils souhaitent être reconnus, mais ne rêvent pas d’être intégrés. Je trouve la façon de vivre des tsiganes fantastique. Tous leurs voyages ne leur laissent pas le temps de s’arrêter, aussi ils sont souvent rejetés. Je trouve cela très dommage et j’aurais envie de faire connaissance avec certains d’entre eux.
Guillaume Logez
Qui que vous soyez, si un jour vous rencontrez un tsigane, un rom, ou un gypsie, et bien n’oubliez pas de faire un geste pour lui. Il vous le rendra bien , malgré le poids médiatique qui pèse sur lui. Regardez-le d’un autre oeil, comme une personne à part entière, comme une personne égale à vous même, libre comme vous et moi, avec une petite différence: le nomadisme et la musique. C’est vrai qu’il n’y a rien de plus beau dans la vie d’un tsigane que de chanter, danser et jouer de la musique autour d’un feu.
Aurélien Dumont